Journée de la mer 2021 : Discussion avec Nathan Helo, chef engagé pour une consommation de poisson responsable et raisonnée

Publié le 30.09.2021 - Dernière modification 21.10.2021
ITW Nathan Helo - TheFork

Une étude publiée le 9 septembre dernier évalue à 24 400 milliards le nombre de fragments plastiques dérivants dans les océans, c’est cinq fois plus que la précédente étude publiée en 2015. Il est urgent de protéger la mer et les océans des conséquences de modes de vie. Cela passe aussi par le choix d’une alimentation plus responsable. Prise de conscience, saisonnalité des variétés de poissons, sensibilisation et respect des périodes de reproduction : nous en avons discuté avec Nathan Helo, le chef du restaurant Dupin, à Paris, Assiette du Guide MICHELIN 2021. 

Après une expérience de plusieurs années au restaurant le Dessirier qui appartient à Michel Rostang, Nathan Helo, chef originaire du Lavandou dans le sud de la France, se lance en 2019 à son propre compte.
En réinvestissant les cuisines du célèbre Epi Dupin rebaptisé Dupin pour l’occasion, ce chef engagé tient à perpétuer la philosophie du célèbre restaurant du 6ème arrondissement de Paris, un lieu précurseur où éco-responsabilité et locavorisme étaient déjà de rigueur depuis de nombreuses années.  

 

  • Vous êtes un défenseur de la pêche durable et de la biodiversité marine. Comment est né votre engagement ?

Il est né de rencontres avec des gens qui m’ont sensibilisé. J’ai travaillé pendant longtemps chez le Dessirier qui appartient à Michel Rostang. C’est une luxueuse brasserie de poissons avec un bar à huîtres où l’on consomme essentiellement du poisson. On travaille aussi bien des grosses pièces de poissons (bar, turbot) que des poissons moins nobles. Là-bas, j’ai été sensibilisé à la saisonnalité des poissons qui correspond aux périodes de reproduction. Pourquoi ne doit-on pas consommer ce type de poisson à cette époque-là ? car il est en pleine reproduction donc si on le pêche plutôt que de le laisser se reproduire, forcément l’espèce finit par s’éteindre ! Une fois qu’on est sensibilisé à cela, notre rôle est de sensibiliser les autres. 

 

  • De quelle façon vous engagez-vous pour préserver l’océan et les espèces en voie de disparition ? 

 Sensibiliser les autres est une sorte de devoir que l’on a en tant que chef de cuisine. Aujourd’hui, cette manière de travailler et de penser doit être généralisée. Lorsqu’on a des jeunes ou des apprentis qui arrivent dans nos cuisines, notre rôle est de faire en sorte que cette prise de conscience soit intégrée automatiquement. Je ne sais pas comment l’interpréter quand on nous catégorise comme restaurant écoresponsable.
J’ai simplement envie de me dire qu’on est un restaurant qui travaille intelligemment et consciemment. Dans notre restaurant à Paris, on essaye de diminuer un petit peu la portion de poisson ou de viande et de l’équilibrer avec l’apport végétal pour justement avoir une façon de travailler consciencieuse et intelligente.

Aujourd’hui, la plupart des gens ont bien compris qu’on ne mange pas de fraises au mois de décembre. Il y a toujours beaucoup de boulangeries où vous trouverez des fraisiers au mois de décembre, mais pour la plupart des gens, on commence à être sensibilisés sur les légumes et les fruits. Désormais, il faut étendre cette sensibilisation sur les produits de la mer. Non seulement parce que la saisonnalité et la période de reproduction s’imposent mais aussi parce qu’il y a quelque chose de moins évident qui correspond au fait de consommer plus de certaines espèces et d’autres moins. Aujourd’hui on consomme du bar à outrance ce qui fait augmenter le prix de ce poisson alors que l’on a des poissons tout aussi délicieux que l’on consomme beaucoup moins. 

 

  • Y a t-il des espèces de poisson que vous cuisinez plus que d’autres ? Y en a t-il que vous avez remises au “goût du jour” en les réhabilitant dans vos assiettes ? Inversement, quelles sont, selon vous, les espèces qui doivent être plus protégées aujourd’hui ? 

Il n’y a pas d’espèce de poisson que l’on ne cuisine pas du tout. Ce qui m’alarme, c’est lorsque je me trouve dans un restaurant au mois d'août et qu’il y a de la coquille saint-jacques à la carte. En réalité, il ne faudrait pas consommer de bar ou de sole entre les mois de janvier et d’avril car c’est justement en plein dans leur période de reproduction. Si l’on veut continuer à pouvoir manger ces poissons, il faut respecter leur période de reproduction. Je ne sers donc pas de bar dans mon restaurant à Paris. Je peux le faire sur commande exceptionnellement sauf si on est en période de reproduction bien qu’il ne soit pas interdit de le consommer mais plutôt déconseillé, contrairement à la saint-jacques où il y a une interdiction. À partir de début octobre, on pourra consommer et pêcher de la saint-jacques française. En dehors de ces dates, ce n’est pas normal que l’on puisse trouver de la saint-jacques ailleurs. Si vous en mangez en été, c’est qu’elle a été surgelée. Le bar, comme la sole, ne connaissent pas d’interdiction de pêche mais il est préférable de ne pas les consommer en période de reproduction.
C’est important de sensibiliser les chefs, les cuisiniers, les apprentis, mais il faut aussi sensibiliser la clientèle. Si, demain, on explique à nos clients qu’il ne faut pas manger tel ou tel poisson car ce n’est pas la période, les restaurateurs n’en commanderont plus à cette période de l’année car ils n’auront pas été vendus. 

 

  • Comment vous approvisionnez-vous en poisson et qui sont les pêcheurs avec lesquels vous travaillez ? 

 Nos poissons sont pêchés sur les côtes françaises, on ne s’en cache absolument pas car justement, on est plutôt fiers. Certains restaurants payent moins cher leurs poissons car ils sont pêchés en mer du nord et ils pourraient donc être tentés de dissimuler leur provenance.  

Nous, on prend le parti de les pêcher sur les côtes françaises, ce qui implique de ne pas cuisiner de bar, de turbot ou de saint-pierre car leur prix est trop élevé pour nous. Cela nous pousse à aller chercher des espèces un peu moins connues, voire même oubliées. Tout le monde connaît la sardine et le maquereau ! Nous, on va proposer à la carte du mulet, du chinchard, des coquillages, de la rascasse…
Lorsqu’il arrive au restaurant, le mulet n’est pas très beau et ne sent pas très bon car il tourne beaucoup dans les eaux basses. Une fois nettoyé, c’est un poisson très bon dont on peut faire des marinades ou des ceviches par exemple. Aujourd’hui on travaille en direct avec nos pêcheurs que j’ai au téléphone tous les jours. Généralement, je commande pour le lendemain ou je prévois 2 à 3 jours. Le risque c’est que parfois, je commande quelque chose qu’il n’y avait pas à cause d’imprévus météorologiques (vent, mer, houle). Ce sont des choses qu’on ne contrôle pas et auxquelles on s’adapte. C’est notre métier de s’adapter pour pouvoir proposer autre chose.

 

  • Est-ce que la pêche durable est un sujet qui touche davantage les jeunes chef.fe.s ? 

Il est vrai que les chefs de ma génération sont très sensibles à ces questions. La plupart d’entre nous avons une histoire plus ou moins proche avec la mer ou la chasse par exemple. On a souvent été familiarisés très jeunes et ce sont des choses qui sont presque devenues logiques pour nous. 

Moi je viens du Lavandou qui se situe entre Toulon et Saint-Tropez sur la côte méditerranéenne. Depuis tout petit, l’hiver, on va pêcher des oursins ou on chasse le poisson. C’est quelque chose qui nous a été appris de manière très ludique. En grandissant, il arrive que l’on ne s’en souvienne peut-être pas consciemment mais lorsqu’on diffuse ce discours, on se rend compte que ce sont des choses que l’on sait.

 

  • Comment envisagez-vous la cuisine de demain ? 

Il y a un engagement de la part des chefs mais aussi des artisans de la pêche.
Les pêcheurs sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux pour expliquer ces sujets de saisonnalité et de protection des espèces. Je travaille avec un pêcheur basé en Bretagne et un autre situé en Méditerranée. Je dirai qu’ils sont presque investis d’une mission sur ce sujet. C’est parce qu’ils font des métiers qui les passionnent et c’est toujours plus facile de défendre une passion que de défendre quelque chose auquel on ne croit pas. Aujourd’hui, ils sont présents à travers les réseaux sociaux, ils ne sont plus seuls et les chefs non plus à porter ce devoir de transmission. Je pense qu’on va dans la bonne direction. 

 

plat chef nathan helo
Cuisine du Chef Nathan Helo

 

Crédit photos : @nomadephotographie

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